Deux Très Beaux Poèmes à Lire
RUDYARD KIPLING ET ANDRE MALRAUX :
TU SERAS SA FAMILLE...
Si tu peux voir détruit le salon de tes rêves,
et sans dire un seul mot l'emmener au trottoir,
ou voir ta belle-mère t'interdire sa maison,
sans pleurer, ni sans t'émouvoir.
Avant de te coucher, faire faire son petit tour,
lorsqu'il pousse un peu fort, patienter et l'attendre,
ou, te sentant traîné sans tirer à ton tour,
penser que vous êtes là, tous deux pour vous détendre.
Si tu peux supporter d'entendre les paroles
Des dresseurs de métiers qui convainquent les sots,
Et, aux dépens des chiens sont plus forts que l'Ecole,
sans jamais en croire un seul mot.
Si ta femme s'en occupe sans devenir mémère,
Si vous restez les chefs, sans le terroriser,
Si vos enfants, vos chats, vos chiens deviennent ses frères,
Afin qu'aimé, il apprenne à aimer.
Si tu peux l'observer, apprendre à le connaître,
Sans jamais devenir tyran ou possesseur,
préparer l'avenir avec son futur maître,
un jour, le lâcher, sans être un lâcheur ;
si tu sais le dompter sans jamais être en raage,
Le voyant tel qu'il est, un être bien vivant,
profitant du présent, si tu sais être sage,
calme mais pas indifférent ;
S'il peut attendre l'ordre, avant de faire la fête,
Ne pas mordre ou flairer tous les chiens qu'il peut voir,
dans la charcuterie garder toute sa tête,
faire ses besoins seulement au-delà du trottoir,
Un jour, le chien, ses jouets, son livre de photos,
partirons, mais il t'emportera avec lui,
mais ce qui vaut mieux que les serments et les mots,
tu resteras, pour toujours son ami.
TU SERAS UN HOMME...
Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir
Ou perdre d'un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir;
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
Et te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre;
Si tu peux supporte d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un seul mot;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi;
Si tu peux méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur;
Rêver mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant;
Si tu peux rencontrer Triomphe et Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclave soumis
Et, ce qui est mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme, mon fils.